Sahara Express

Introduction

De tous les pays d'Afrique dotés d’un réseau ferré, la Mauritanie tient une place à part. L’unique ligne du pays construite par les français en 1963 connut à son ouverture les plus longs trains de fret du monde. Si ce record a depuis été battu, la légende est restée et l’image d’un long serpent métallique constitué de centaines de tombereaux traversant le désert continue de susciter des rêves d’évasion. Pourtant, je n’ai longtemps eu qu’un intérêt poli pour ce réseau. Le déclic est venu en consultant une remarquable série d’un photographe qui a emprunté le train avec les mauritaniens. De la vingtaine de photos présentées ressortait des ambiances folles, des visages, des lumières et un environnement qui ferait presque acheter un billet d’avion dans la foulée. Je me heurte rapidement à la complexité du montage d’un tel voyage en solitaire. Les barrières et les hésitations sont nombreuses pour un environnement dangereux si la préparation est insuffisante. Je trouve ma réponse chez Farrail-Tours qui proposait justement un voyage organisé dans ce pays. Initialement prévu en Avril 2020 et annulé par le COVID, le voyage fut reprogrammé en Mars 2022. Il y a quelques mois, je bouclais mes valises pour un voyage “pas comme les autres” à la recherche des trains du Sahara.

SAHARA EXPRESS

Le Sahara est une saloperie. L’air et le soleil y sont brûlants, le vent et les poussières qu’il charrie y sont entêtants et la nuit, quand on croit pouvoir baisser la garde, le froid vient vous prendre comme le signe qu’ici l’humain n’est rien face à la grandeur des éléments. les Français ont construit dans ces zones reculées situées au dessous du tropique Nord une ligne de chemin de fer singulière. C’était il y a un demi siècle, comme un pari avec la nature que l’Homme obtiendrait ce que cette dernière n’offre pas si facilement : un minerai de fer exceptionnel qui alimente encore aujourd’hui l’industrie sidérurgique mondiale. De longs serpents métalliques aux centaines de roues ont à leurs têtes les grandes machines de la SNIM capables de lutter contre un environnement des plus hostiles. Phares allumés, de jour comme de nuit, elles tirent des milliers de tonnes malgré la chaleur et les attaques cinglantes de l’Harmattan.
Au fil des années, le train est devenu bien plus que le mode de transport du minerai. La construction de la ligne a entrainé celle de micro villages au milieu de rien. Les quelques habitants sédentaires de ces contrées qui n’ont connu que le nomadisme sont ravitaillés par le train. Une à deux fois par jour, dernière les machines, des wagons-citerne d’eau potable viennent emplir réservoirs et poches permettant la survie des locaux. Ce sont souvent des agent des chemins et fer et ils ont la tâche difficile de maintenir en état le réseau ferré contre le désert galopant. Sur les trains, les Maures ont quitté la douceur de la laine des dromadaires pour la rugosité noire du minerai. Ils vont aujourd’hui plus vite que leurs pères pour rejoindre Choum ou Zouerate pour livrer de la nourriture, des colis ou même transporter sur plusieurs wagons des troupeaux entiers. La ligne de Nouadhibou à Zouérate est plus que jamais une ligne de vie ; le rail brillant au soleil ou sous la voute céleste égraine juste au dessus du sable la lueur argentée d’un fil d'Ariane qui ramène toujours “à bon port”.
C’est alors que la Mauritanie présente à elle seule l’allégorie de notre monde : elle est à la fois maîtresse et esclave de la machine infernale et énergivore qu’elle exploite !… Quand on sait que la SNIM est le deuxième employeur du pays, que l'entreprise contribue à 30% du budget de l'état en réalisant à elle seule 50% des exportations, on comprend pourquoi ses trains ne doivent JAMAIS cesser de rouler… C’est pour ça que c’est aussi passionnant d’aller à la rencontre des mauritaniens, de voir leur chemin de fer et le rapport qu’ils ont à ce dernier. Voir aussi ce qui relève à chaque instant de l’industrie lourde et du système D, du rapport humain et du rapport de force. Pris à 60km/h, guère plus, dans cet express saharien traversant le désert dans un bruit de tonnerre…

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

remerciements

Les sejours dans le désert ne s'improvisent pas. Quand la nuit vire à la tempête de sable, que vous dormez avec vos boules Quies et votre masque chirurgical sur la bouche pour ne pas avaler le sable qui vous tombe dessus après s'être infiltré dans la tente, vous êtes contents de pouvoir vous reposer sur le savoir des locaux qui vous accompagnent. Ils ont géré la logistique, la conduite des 4x4 (dont nous avons cassé des pièces pendant le voyage et qu’ils ont pu réparer) les ravitaillements et nous ont guidé dans des conditions à la fois spartiates et les plus confortables que l’on puisse espérer dans ces coins là. Hidoumou, Ahmed, Ahmed et tous les autres, merci !

Lecteurs, vous souhaitez realiser ce voyage par vous même en totale autonomie, c’est bien sûr possible, mais ne surestimez pas vos forces et soyez assez nombreux, y compris en véhicules, pour pouvoir vous porter mutuellement secours en cas de besoin. N’oubliez pas la première ligne du texte de la série : “Le sahara est une saloperie !” ;)